Témoignages recueillis par Diane (présidente de l’asso)

MAYSA ATAR

Contexte :

Je me rends ce lundi chez Maysa Atar qui vit dans un quartier pauvre d’Alep, le quartier Maadi, partiellement détruit par les bombardements. Le quartier n’a toujours pas été reconstruit et les immeubles menacent de s’effondrer. Son mari Mohamad m’accueille à la sortie du bus scolaire qui nous dépose près de chez eux. Il vient récupérer son fils Youssef, scolarisé dans l’école soutenu par notre association. Nous marchons ensemble dans les dédales de rues qui mènent à sa maison. Au fond d’un cul de sac, sa femme se tient sur le pas de la porte pour m’accueillir. Ils m’invitent à rentrer chez eux. Sa femme me reconnaît et me rappelle une session de sensibilisation aux bienfaits du sport pour les enfants sur la gestion du stress, que j’ai tenue dans l’école l’année précédente. Nous pénétrons dans une cour intérieure, propre. Une petite porte donne sur le lieu de vie, une pièce de 16m2 dans laquelle ils vivent tous les 5, Mohamed, sa femme Maysa, enceinte de 4 mois, et leurs 3 enfants, Ahmed, 8 ans, Najoua, 6 ans et Yousef, 3 ans. La pièce à vivre contient le strict minimum. Des matelas au sol, un petit bureau et un ordinateur fixe qui sert de télévision. Ils ont un poêle mais il reste inutilisé. Son mari a accepté qu’elle réponde à mes questions mais il ne souhaite pas que la photo de sa femme apparaisse sur Facebook. Je lui demande si une photo de son visage peut apparaître dans les journaux français et il me dit qu’il est d’accord, tant que la photo n’apparaît pas sur leurs réseaux sociaux en Syrie.

Maysa, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Maysa, j’ai 30 ans. J’ai trois enfants et je suis enceinte d’un quatrième.

Quel est ton quotidien aujourd’hui ?

Nous vivons dans cette maison depuis 4 mois mais nous n’avons pas de contrat. Nous payons un loyer mensuel de 25 000 Livres syriennes mais nous ne savons pas combien de temps nous pourrons rester. Je ne travaille pas, je vis à la maison, je m’occupe des enfants et du ménage. C’est mon mari qui travaille aujourd’hui pour nourrir toute la famille. Pendant la guerre, il travaillait aux halles d’Alep, comme vendeur de légumes et de fruits mais avec la Rambée des prix, on ne s’y retrouvait plus. Il travaille aujourd’hui dans le bâtiment. Notre situation 1nancière s’est considérablement détériorée ces dernières années. Les prix ont explosé, tout est plus cher aujourd’hui. Même pendant la guerre, nous avions plus de travail. Certains jours, mon mari rentre à la maison sans avoir touché aucun salaire. Nous sommes aujourd’hui criblés de dettes.

Je demande à Maysa ce qui est le plus douloureux pour elle. Elle me répond, les larmes aux yeux :

Ce qui est le plus douloureux, c’est lorsque mes enfants me demandent de leur acheter quelque chose et que je ne peux répondre à leurs besoins. C’est le plus di cile pour moi. Il y a quelques jours, mon 1ls Ahmed voulait que je lui achète un shawarma. Je n’avais pas assez d’argent pour

payer un sandwich pour lui et mes deux autres enfants. Ahmed m’a proposé de ne prendre qu’un sandwich et de le partager avec ses frères. Malgré cela, je rends grâce à Dieu.

Mon mari essaye vraiment de son côté de faire tout son possible pour subvenir à nos besoins mais il ne peut pas faire grand chose.

Malgré la situation, continues-tu d’espérer Maysa ?

Si j’ai de l’espoir ? Je te réponds : Inch’Allah. Je m’en remets à la volonté de Dieu !

Je ne demande qu’une seule chose, que l’on puisse travailler pour nourrir nos enfants. Moi, je suis analphabète, je ne sais ni lire ni écrire. J’ai mis mes enfants à l’école pour qu’ils puissent avoir un autre avenir. Deux veulent être médecins et le plus petit veut devenir policier ! Qu’ils puissent chacun trouver leurs voies ! Je rêve pour eux qu’ils puissent réaliser ce qu’ils ont envie de construire

Et toi, aimerais-tu travailler Maysa ?

Oui, j’aurais aimé travailler, aidé mon mari. J’ai demandé à l’association que tu soutiens s’il pouvait me proposer un travail. Nous nous étions mis d’accord avec mon mari pour que je puisse l’épauler et mon mari a accepté mais je n’ai trouvé aucun travail. Et l’association n’avait pas de poste vacant.

Si mon mari gagnait su samment, je ne chercherais pas à travailler. C’est uniquement pour répondre aux besoins de nos enfants. Aujourd’hui, par exemple, mon mari vient tout juste de rentrer du travail et il n’a rien gagné. Chaque jour, j’appréhende nos lendemains.

Peuxtu partager avec moi les moments dificiles de ton quotidien ?

J’ai deux exemples qui me viennent à l’esprit.

Un soir, mon fis Youssef s’est mis à pleurer. Il avait faim et il voulait manger. Nous n’avions strictement rien à la maison. Et nous n’avions plus d’argent pour aller chercher quoi que ce soit. J’ai parlé à mon mari et je lui ai proposé de vendre mon téléphone portable. Nous sommes partis en pleine nuit pour tenter de le vendre mais on nous en a proposé un prix dérisoire. Ce soir-là, mon fils et moi avons pleuré toute la nuit, lui parce qu’il avait faim, moi de mon impuissance à ne pouvoir donner à mon 1ls le minimum dont il avait besoin.

La semaine dernière, j’ai fait une crise d’asthme. Je n’ai pas pu aller chez le docteur car je n’avais pas de quoi payer la consultation. Je suis partie directement à la pharmacie. La facture pour mes médicaments s’élevait à 10 000 LS. Je n’ai rien pu acheter.

Notre quotidien, c’est ce que tu vois en entrant chez moi. Nous n’avons pas d’électricité et on ne peut même pas payer d’ampère pour pouvoir pallier au manque d’électricité. Chaque semaine, il nous faudrait payer pour un ampère 7500 LS ! Les beaux jours, c’est quand nos voisins par solidarité acceptent de partager leurs ampères avec nous.

Avant, mon mari pouvait gagner jusqu’à 200 000 livres syriennes par mois. Depuis quelques semaines, s’il arrive à avoir 80 000 livres syriennes, c’est le maximum. Nous avons 25 000 livres syriennes qui partent dans le loyer, il nous reste 55 000 livres syriennes pour toute la famille par mois et une partie sert à payer nos dettes.

Nous quittons la maison après une heure d’échanges ensemble. En partant, Maysa et Mohamad nous invitent à venir partager un repas. Malgré la situation dans laquelle ils vivent, leur sens de l’hospitalité est resté intact. Je ressens un profond respect l’un pour l’autre et une attitude empreinte de dignité et de résilience.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *